Les Différences entre la Traduction Automatique et la Traduction par IA

Les Différences entre la Traduction Automatique et la Traduction par IA

Otilia Munteanu

09/01/2025

Technologies de traduction

La traduction linguistique a parcouru un long chemin depuis les débuts des solutions informatiques d’aide à la traduction. Alors que le terme « traduction automatique » est utilisé depuis des décennies, l’essor de l’intelligence artificielle a repoussé les limites de ce que la traduction automatisée peut accomplir. De ce fait, certains établissent désormais une distinction entre la « traduction automatique » traditionnelle et la « traduction basée sur l’IA » moderne. Dans cet article, nous explorons ces deux concepts, leur contexte historique ainsi que leurs différences fondamentales.


Bref historique de la traduction automatique

Systèmes à base de règles

La traduction automatique (TA) a commencé à prendre forme au milieu du XXᵉ siècle, motivée par la volonté d’automatiser la tâche laborieuse de traduire du texte entre différentes langues. Les premiers systèmes étaient largement basés sur des règles : ils s’appuyaient sur des règles linguistiques, des dictionnaires et des algorithmes précis pour transformer un texte source en texte cible. La création et la maintenance de ces systèmes nécessitaient une expertise linguistique approfondie et un énorme travail manuel pour définir et affiner ces fameuses règles.

La traduction automatique statistique

À la fin des années 1980 et au début des années 1990, les chercheurs ont commencé à adopter des méthodes statistiques. Ces systèmes utilisaient de grands corpus parallèles (c’est-à-dire des textes disponibles dans deux langues ou plus) pour déterminer les probabilités de traduction. Les approches fondées sur des segments de phrases analysaient des mots ou des groupes de mots dans la langue source pour trouver leurs équivalents les plus probables dans la langue cible, en se basant sur leur fréquence d’apparition dans les données d’entraînement. Cette méthode était plus flexible que les systèmes à base de règles et produisait des traductions plus fluides, bien qu’elle demeure limitée dans les cas de mots rares, de longues phrases ou de contextes complexes.


L’émergence de la traduction basée sur l’IA

La traduction automatique neuronale (NMT)

L’intelligence artificielle, et plus particulièrement l’apprentissage profond (deep learning), a entraîné une évolution majeure dans la technologie de la traduction : la traduction automatique neuronale (NMT). Les modèles NMT reposent sur des réseaux de neurones artificiels pour modéliser de bout en bout le processus de traduction, en prenant en compte la phrase entière en une fois. Cette approche, qui s’intéresse au contexte global (et parfois même plus large), aboutit à des traductions plus cohérentes et plus naturelles.

Parmi les architectures NMT courantes, on trouve les réseaux de neurones récurrents (RNN), les réseaux de neurones convolutionnels (CNN) et, plus récemment, les transformers. Ces derniers sont à la base de nombreux systèmes modernes (par exemple, le modèle de Google Translate ou des solutions open source telles que Marian NMT).

Au-delà des réseaux neuronaux

Si l’on associe souvent la notion de « traduction basée sur l’IA » à la traduction neuronale, ce terme peut également englober d’autres stratégies d’apprentissage profond, incluant les grands modèles de langage (LLM) et des modèles génératifs avancés qui tiennent compte du contexte linguistique, de l’intention de l’utilisateur ou encore d’entraînements spécifiques à un domaine. Ces évolutions ont permis des progrès continus en termes de précision, de rapidité et de gestion des expressions idiomatiques.


Les principales différences

  1. Méthodologie

    • Traduction automatique (TA) : Historiquement, la TA reposait sur des approches à base de règles ou statistiques, s’appuyant sur des règles définies par l’humain ou sur des distributions de probabilités dérivées de larges corpus textuels.
    • Traduction basée sur l’IA : S’appuie principalement sur des réseaux de neurones profonds ou des architectures d’apprentissage avancées, qui apprennent les relations contextuelles au sein des phrases plutôt que de se limiter à des règles préétablies.
  2. Compréhension du contexte

    • Traduction automatique : Les systèmes traditionnels segmentaient les phrases en unités plus petites (mots ou groupes de mots) analysées indépendamment, limitant leur capacité à gérer le contexte à long terme.
    • Traduction basée sur l’IA : Les modèles neuronaux traitent l’énoncé dans sa globalité (voire au-delà), ce qui leur permet de mieux comprendre le sens global, de gérer efficacement les expressions idiomatiques et de lever les ambiguïtés grâce au contexte.
  3. Précision et fluidité

    • Traduction automatique : Les anciennes méthodes à base de règles et statistiques avaient souvent du mal à rendre les nuances linguistiques et pouvaient produire des traductions maladroites ou incorrectes dans certains contextes.
    • Traduction basée sur l’IA : Les méthodes neuronales actuelles offrent des traductions plus naturelles, gèrent mieux la grammaire (accords sujet-verbe, genres, temps, style) et améliorent la cohérence générale du texte. Des erreurs subsistent, mais la fluidité globale est nettement supérieure à celle des anciens systèmes.
  4. Évolutivité et adaptabilité

    • Traduction automatique : Pour ajouter de nouvelles langues ou améliorer la précision, il fallait souvent collecter de nouveaux corpus bilingues ou mettre à jour manuellement les règles, un processus long et coûteux.
    • Traduction basée sur l’IA : Avec la bonne architecture, il est possible de réentraîner ou de peaufiner les modèles grâce à des corpus supplémentaires, des terminologies spécifiques ou via des retours utilisateurs. Bien que ces modèles aient eux aussi besoin de données, les techniques de transfert d’apprentissage et la puissance du matériel informatique moderne facilitent leur adaptation à de nouveaux contextes.
  5. Gestion des mots rares ou nouveaux

    • Traduction automatique : Les systèmes statistiques pouvaient échouer face à des termes peu fréquents, menant à des traductions médiocres ou à des lacunes totales.
    • Traduction basée sur l’IA : Bien qu’elle dépende aussi des données d’entraînement, la NMT (surtout avec les techniques de segmentation en sous-mots ou de byte-pair encoding) gère mieux les mots inconnus en les décomposant en unités plus petites, permettant ainsi une plus grande flexibilité face aux termes nouveaux ou rares.


Implications pratiques

Adoption par l’industrie

Aujourd’hui, la plupart des grands fournisseurs de traduction — tels que Google, Microsoft ou DeepL — ont adopté des approches neuronales. De nombreuses entreprises s’appuient sur ces modèles puissants pour localiser du contenu et optimiser leur communication internationale. En outre, des plateformes émergentes tirant parti de l’IA proposent des solutions de personnalisation par domaine, permettant aux organisations de former des modèles spécifiques pour des secteurs pointus (juridique, médical, technique, etc.).

Équilibre entre la qualité et la rapidité

Malgré une amélioration constante de la qualité offerte par la traduction basée sur l’IA, certains défis subsistent, notamment pour les paires de langues moins répandues (ce que l’on appelle les « langues à faibles ressources »). Dans ces cas, les approches statistiques plus anciennes peuvent encore faire jeu égal si les données manquent cruellement. Toutefois, les méthodes neuronales de traduction sans entraînement spécifique (zero-shot translation) progressent rapidement et viennent combler ces lacunes.

Rôle de l’humain

De plus en plus, les traducteurs professionnels utilisent les outils d’IA pour accélérer leur travail. Même si les modèles neuronaux produisent souvent des traductions de qualité proche de l’humain, l’intervention humaine reste indispensable pour garantir une exactitude totale, notamment lorsque le contenu est spécialisé ou lorsque les nuances culturelles et stylistiques sont primordiales. La meilleure pratique dans les domaines sensibles consiste à maintenir un « humain dans la boucle », où les traducteurs revoient et post-éditent les traductions générées par la machine.

La traduction automatique existe depuis plusieurs décennies, passant des systèmes à base de règles aux méthodes statistiques, puis aux approches neuronales. La traduction basée sur l’IA, soutenue par l’apprentissage profond et les grands modèles de langage, représente l’avant-garde de cette évolution, offrant aujourd’hui des traductions plus fluides, plus contextuelles et plus fiables qu’auparavant, tout en connaissant encore certaines limites dans les domaines très spécifiques ou pour des langues peu dotées en ressources.

À mesure que l’IA continue de progresser, la distinction entre « traduction automatique » traditionnelle et « traduction basée sur l’IA » devient de plus en plus subtile. Toutefois, comprendre ces différences historiques aide les entreprises et les professionnels de la langue à choisir les outils de traduction adéquats. L’avenir de la traduction réside sans doute dans des systèmes d’IA robustes capables de s’adapter à de nouveaux contenus, contextes et exigences utilisateurs, tout en préservant l’expertise humaine au cœur du processus.

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